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THE DREAMING - Kate Bush
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28 décembre 2008

Sat in Your Lap - Analyse

« Posée sur vos cuisses »Sat in Your Lap ») sous entend que l’on parle d’un livre qui est posé sur les cuisses (cette hypothèse de départ étant en partie illustrée par le clip…) En particulier le « savoir » (« knowledge ») qui est contenu à l’intérieur. Cette « chose » (« something ») mérite d’être définie plus précisément puisque le mot « livre » n’est même pas dit dans le texte ! Tout semble sous-entendu et on peut d’ailleurs se demander si un livre ne serait pas plutôt Le Livre, c'est-à-dire le livre religieux. Cette chanson ne serait-elle pas alors un questionnement sur le lien entre les hommes et la religion ? Pour répondre à cette question, je me propose d’analyser d’une part la manière dont le personnage appréhende un groupe de personnes, comment il se positionne par rapport à une communauté et comment celle-ci le transforme. D’autre part, nous étudierons l’impuissance de ce personnage incarnant l’Homme face à tout ce qui l’entoure (humain ou nature en générale.) Enfin, nous recueillerons les objets et les histoires à connotations religieuses contenus dans cette chanson qui servent de cadre référentiel.

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Cathédrale de Salisbury

Une communauté religieuse est un ensemble de personnes qui poursuivent le même idéal religieux. C’est un groupe de personnes fermé qui demande une condition pour y entrer. Cette définition peut s’appliquer au personnage de la chanson qui désire faire partie d’une communauté (« I want to join in») dans le but d’avoir du réconfort (« So can it happen for me?”) car il est au désespoir (« 'Cause when I am unhappy, There's nothing that can move me »).On ressent ici le besoin de s’accrocher à un « but » (« goal ») dans la vie, pour combler un vide, pour créer une existence. C’est une démarche purement affective de la part du personnage : l’aspect culturel du livre n’apparaît que d’une façon secondaire. C’est bel et bien un personnage solitaire et qui souffre de cet isolement. N’est-ce pas le but d’une religion de rassembler les brebis égarées ?

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La Mecque

En effet, le personnage est placé à l’extérieur, en tant qu’observateur (« I see the people » et « see it working for them ») et se sent prêt à se sacrifier, se martyriser (« But then I find it hurts me ») pour l’idée salvatrice d’intégrer ce groupe. De plus, paradoxalement, plus il accède à ce « savoir », plus il s’isole des autres (« But I really can't be bothered ») et il ne veut pas « être dérangé » par eux. Néanmoins, le personnage se rapproche du Livre en lui-même. La conjonction « mais » (« but ») souligne ces deux contradictions.

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Ainsi la communauté n’est pas un groupe mais un ensemble d’individualités autour du Livre. Le personnage, tel un moine dans un « monastère » (« monastery »), fait une véritable introspection et rejette tout ce qui est extérieur. Il veut avoir une relation privilégiée avec le « savoir » (« I want to be a scholar »). Il va même jusqu’à faire le déni de son propre corps. Le personnage n’est alors incarné que par son cerveau. Ce dernier étant sous un « dôme d’ivoire » (« In my dome of ivory ») qui symbolise sa boîte crânienne. La tête devient une « maison » (« home ») où le personnage est reclus. Il est enfermé, isolé de l’intérieur cette fois. Il est emprisonné en lui-même à cause du Livre. Ce cerveau est ensuite représenté uniquement par son côté organique : la « matière grise » pour les neurones et la « matière blanche » pour la graisse (« grey and white matter »). Ces deux composants font partie du système nerveux, c'est-à-dire la réflexion et les mouvements. Cette « matière » semble être le liquide qui remplit la « coupe » (« cup ») ; la contenance de celle-ci étant la quantité de savoir. Le personnage a soif de ce savoir.

C’est pourquoi le personnage de la chanson entre dans un mode de vie, un système devenu incontrôlable. D’abord, il redevient un enfant face sa mère (« give me the karma, mama ») dont il ne peut se séparer pour assurer son avenir, son destin. Il souhaite également que tout lui soit apporté pour qu’il n’ait pas à se déplacer (« there’s nothing that can move me »).On peut alors comparer le personnage à un nourisson assis sur les cuisses de sa mère pour être nourrit sans effort et dont le Savoir serait le lait maternelle. Ainsi cette image de la mère et son bébé pourrait faire écho avec la naissance de Jésus et le fait qu’il soit dans les bras de Marie, entouré par de nombreuses personnes et animaux. Ce tableau très souvent illustré est largement repris dans le clip de la chanson. C’est une structure totalement symétrique avec des anges, des bœufs (où est l’âne ?), et une femme au milieu.

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Ensuite, tel un enfant, le protagoniste ne peut pas attendre et ne gère pas sa frustration (« just give me quick » et « I want the answers quickly ») et, tout comme un enfant, il ne fera aucun effort pour ce savoir (« I don’t have no energy »). Cette sensation infantile s’illustre encore par le fait que le personnage ne supporte pas de travailler (« it hurts me »).Il est rabaissé au rang de mauvais élève car il perd toutes ses certitudes (« Just when I think I’m king, I just begin »). Il devient une personne qui doit apprendre pour vivre. En outre, l’idée de « king » renvoie au chef, c'est-à-dire celui qui dirige, qui maîtrise autrui. Le personnage attend d’être celui qui va dominer ses semblables par son savoir. De plus, l’image de l’avocat (« lawyer ») vient confirmer cette idée de contrôle du destin des autres personnes. Néanmoins, il se rend compte que cet instant n’est pas encore arrivé et qu’il n’arrivera peut-être jamais (« I’ve been doing for years ») d’où un sentiment de lassitude pour ce personnage, voire de résignation. Cette sensation apparaît à chaque fois que le personnage pense atteindre son but (« my goal is moving near »). Il devient alors le spectateur de son apprentissage, il subit. Le passage « It says look ! I’m over here / Then it up and disappears” donne l’impression que c’est le Savoir qui se joue du personnage.

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Enfin, ce manque de contrôle par rapport à ce qui entoure le personnage s’illustre aussi par la fin du texte où le personnage, lors de son voyage est transporté « à travers » (« across ») diverses immensités naturelles, divers « éléments »(« elements ») tels que le « désert »(la Terre), le « temps » (« weather ») (l’Air) ou l’Eau (« the water »). On ressent alors une sensation d’impuissance. Ainsi la chanson fait-elle référence au Grand Tour auquel les jeunes britanniques les plus riches, au 17e et 18e siècle, avaient droit pour finaliser leurs études. C’était un voyage d’un an dans des pays étrangers. Cependant, dans la chanson, ce voyage (« the longest journey ») ressemble plutôt à un pèlerinage dans divers lieux religieux. Le personnage demande un « jet pour la Mecque » (« a jet to Mecca ») ou « Jeddah » qui soulignera la religion musulmane, ou un voyage pour « le Tibet » exprimant le bouddhisme, ou encore un « monastère » (« monastery ») pour le christianisme.

 

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Vue de Jeddah


100px_HimnastigiCes références religieuses s’appliquent également aux objets. Nous avons déjà évoqué le livre religieux mais d’autres exemples concrets illustrent cette idée. D’une part nous avons la « coupe de sagesse » (« a cup of wisdom ») qui fait référence à la coupe du Christ. D’autre part, « l’échelle » (« ladder »), au-delà du fait qu’elle prendrait idéalement sa place dans une bibliothèque, pourrait être associée au passage où le Savoir prend la parole et dit « Regarde ! Je suis par ici ! » («  Look ! I’m over here ! ») avant de s’enfuir « vers le haut » (« up »). Cela rappelle l’échelle de Jacob dans la Bible. Ce dernier fait un rêve (une « pause » (« break ») dans la chanson) où il voit des anges monter au ciel par une échelle alors que Dieu s’adresse à lui et lui promet la terre où il se trouve.

Dans cette chanson, on voit aussi très clairement la dichotomie entre le paradis (« heaven ») et l’enfer (« hell »). Le personnage nous donne l’impression que le paradis qu’il cherche a atteindre est en réalité un enfer de souffrance. Contrairement à son état initial où il se sentait inférieur aux autres (sans ce « Savoir »), mais dans lequel il assurait une certaine quiétude : on ne peut « jamais l’avoir » (« Something that you’ll never have »), c’est un fait établi.

Sat in Your Lap exprimerait donc le rapport entre l’Homme et la religion. Celle-ci entrerait en contradiction avec ce qu’elle propose : diviser au lieu de rassembler. Elle créerait des individualités où chacun serait réduit à devenir un élève ne maîtrisant plus son destin.

 

 

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